Gryphon : la fusion médiévale-progressive qui défie le temps

Au cœur du foisonnement musical des années 70, certains groupes ont exploré des territoires insoupçonnés, où le rock progressif flirtait avec des traditions anciennes. Parmi eux, Gryphon s’impose comme une formation unique en son genre. Fondé en 1972 par Richard Harvey (claviers, flûtes à bec, cromorne) et Brian Gulland (basson, cromorne), le groupe britannique conjugue instrumentation médiévale, rigueur classique et audace rock pour créer un univers sonore singulier, à la frontière du temps.

Gryphon

Un parcours hors-norme, entre folk, rock et musique ancienne

Issus du Royal College of Music, Harvey et Gulland partagent une passion pour les sonorités anciennes. Très vite rejoints par Graeme Taylor à la guitare, David Oberlé à la batterie et plus tard par Philip Nestor à la basse, ils bâtissent un projet original où se rencontrent flûtes médiévales, percussions baroques, guitare électrique et envolées progressives. Leur premier album Gryphon (1973) s’oriente vers une folk acoustique raffinée, déjà enrichie d’instruments anciens comme le cromorne ou le basson, rarement entendus dans le rock.

Red Queen to Gryphon Three : l’apogée instrumentale

Sorti en 1974, Red Queen to Gryphon Three marque un tournant décisif dans la carrière du groupe. Conceptuel et entièrement instrumental, l’album s’inspire du jeu d’échecs pour construire une suite symphonique en quatre mouvements. Chaque titre illustre une étape d’un duel stratégique, métaphore d’un combat musical entre rigueur classique et exubérance rock. À l’orgue, Ernest Hart vient enrichir la palette sonore tandis que Peter Redding (contrebasse) renforce les fondations acoustiques.

Avec ses structures complexes, ses changements de signature rythmique et ses harmonies inusitées, l’album évoque tour à tour Jethro Tull, Gentle Giant ou King Crimson, tout en affirmant une identité propre. Les morceaux s’enchaînent comme une fresque médiévale psychédélique, alternant mélodies pastorales et envolées épiques.

Red Queen to Gryphon Three – Analyse piste par piste

Ce disque-concept repose sur une métaphore filée autour du jeu d’échecs, chaque morceau représentant une phase de la confrontation entre deux reines. Le tout sans paroles, mais avec une richesse orchestrale qui raconte tout, note après note.

1. Opening Move

Dès les premières secondes, le ton est donné : des motifs médiévaux aux flûtes à bec et cromornes s’imbriquent dans une structure rythmique progressive. L’entrée du clavecin et des claviers crée un contraste saisissant entre tradition et modernité. Les thèmes s’enchevêtrent, les dynamiques évoluent comme sur un échiquier. La guitare électrique de Graeme Taylor reste subtile, encadrée par les interventions élégantes du basson de Brian Gulland. C’est un début en fanfare, qui esquisse les tensions à venir.

Ambiance : une ouverture stratégique et théâtrale, entre vigilance et provocation.

2. Second Spasm

Ici, le groupe montre sa maîtrise des ruptures de ton. Un thème presque dansant, presque folk, se transforme peu à peu en une bataille rythmique complexe. La basse de Philip Nestor ancre les variations tandis que les timbales de David Oberlé renforcent la tension dramatique. On perçoit par moments une énergie plus rock, mais toujours contenue dans une esthétique de musique savante.

Un morceau plus nerveux, comme une série de manœuvres rapides sur le plateau d’échecs.

3. Lament

La pièce la plus mélancolique de l’album, comme son nom l’indique. Les instruments anciens dominent : flûte à bec, cromorne et basson se répondent avec une grâce funèbre. Le tempo ralentit, les harmonies s’assombrissent. On imagine une reine blessée ou un pion sacrifié, sur un échiquier déserté. La guitare acoustique ajoute une touche de délicatesse tragique, comme un adieu discret.

C’est la respiration émotionnelle du disque, un moment suspendu d’une grande beauté.

4. Checkmate

Le final reprend certains motifs précédents pour les tordre, les intensifier, les transformer. L’orgue d’Ernest Hart donne de l’ampleur à cette montée dramatique, renforcée par les percussions et la basse acoustique de Peter Redding. L’ensemble se fait de plus en plus intense, jusqu’à un climax éblouissant, digne d’un combat final en slow motion. La tension rythmique atteint son paroxysme, les instruments dialoguent dans un ballet maîtrisé.

Une conclusion majestueuse, comme un mat donné avec élégance et panache.

Notre avis sur cet album de Gryphon

Red Queen to Gryphon Three n’est pas qu’un album, c’est un voyage sans paroles, guidé par l’instrumentation et une narration purement musicale. Chaque piste raconte un moment de cette partie d’échecs fictive, oscillant entre tension, réflexion et bravoure. Avec cet opus, Gryphon atteint un sommet de virtuosité dans la fusion entre musique ancienne et rock progressif.

Une esthétique avant-gardiste, une reconnaissance tardive

Malgré un accueil critique favorable et une tournée en première partie de Yes, Gryphon ne rencontrera jamais un large succès commercial. Le groupe poursuivra cependant son exploration avec Raindance (1975) et Treason (1977), avant de se séparer à la fin des années 70.

Redécouverts par les amateurs de prog et les curieux de folk expérimental, les membres historiques de Gryphon se retrouvent en 2009, entamant une seconde vie scénique ponctuée de nouvelles créations. L’album ReInvention (2018) témoigne de leur persévérance créative, avec un son toujours aussi inclassable.

Gryphon aujourd’hui : l’héritage d’une singularité

À une époque où la fusion des genres est devenue monnaie courante, Gryphon fait figure de pionnier. Leur capacité à conjuguer écriture classique, improvisation rock et influences médiévales reste un cas d’école dans l’histoire du rock progressif. Red Queen to Gryphon Three demeure une œuvre-phare, souvent citée comme l’un des albums instrumentaux les plus ambitieux des seventies.

Gryphon

Membres actuels de Gryphon

Brian Gulland : basson, cromorne, claviers, chant
Graeme Taylor : guitare acoustique et électrique, chant
Dave Oberlé : batterie, percussions, chant
Clare Taylor : violon, chant
Rob Levy : basse
Andy Findon : flûtes, saxophone, clarinette

Anciens membres notables

Richard Harvey : claviers, flûtes à bec, cromorne, clavecin
Philip Nestor : basse
Malcolm Bennett (aussi connu sous Markovich) : flûtes, basse
Jonathan Davie : basse
Bob Foster : guitare
Alex Baird : batterie
Graham Preskett : violon, claviers
Keith Thompson : batterie
Rory McFarlane : basse

Discographie de Gryphon

Albums studio
1973 – Gryphon
1974 – Midnight Mushrumps
1974 – Red Queen to Gryphon Three
1975 – Raindance
1977 – Treason
2018 – ReInvention
2020 – Get Out of My Father’s Car!

Singles
1977 – Spring Song / The Fall of the Leaf

Compilations et autres parutions
1991 – The Collection
1995 – The Collection II
2002 – About as Curious as It Can Be
2003 – Glastonbury Carol
2004 – Crossing the Styles: The Transatlantic Anthology
2018 – Raindances: The Transatlantic Years Recordings (1973–1975)

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Ozric Tentacles : Fusion psychédélique entre rock et électro

Ozric Tentacles est un groupe britannique emblématique de rock psychédélique et space rock, reconnu pour son mélange unique de rock progressif, d’électro, de dub et de musiques du monde. Formé en 1983 lors du festival gratuit de Stonehenge, le groupe a su captiver les auditeurs avec ses compositions instrumentales immersives et ses performances live envoûtantes.

Ozric Tentacles

Origines et formation

L’histoire d’Ozric Tentacles débute autour d’un feu de camp au Stonehenge Free Festival en 1983. Ed Wynne (guitare et claviers) et son frère Roly Wynne (basse), alors membres du groupe Bolshem People, rencontrent le claviériste Joie Hinton. Après une jam session improvisée de six heures, un spectateur demande le nom du groupe. S’inspirant d’une conversation précédente sur des céréales imaginaires, Ed répond spontanément « Ozric Tentacles ». Ce nom reflète l’esprit libre et expérimental qui caractérisera leur musique.

Débuts et ascension

Dès 1984, le groupe auto-produit plusieurs cassettes, dont « Erpsongs », enregistrées avec des moyens modestes mais témoignant déjà de leur richesse sonore. Ces enregistrements, vendus lors de festivals et via un fan club, posent les bases de leur notoriété dans la scène underground britannique. Leur premier album officiel, « Pungent Effulgent », sort en 1989 sous leur propre label, Dovetail Records, affirmant leur indépendance artistique.

Succès et reconnaissance

Les années 1990 marquent une période faste pour Ozric Tentacles. L’album « Jurassic Shift » (1993) atteint le Top 20 des charts britanniques et se hisse à la première place de l’UK Indie Chart, une performance notable pour un groupe indépendant. Leur musique, mêlant sonorités spatiales, rythmiques complexes et influences ethniques, qui me fait penser par moment à Steve Hillage, séduit un public toujours plus large, consolidant leur statut de d’icônes du rock psychédélique.

Ozric Tentacles : Évolution et résilience

Malgré des changements fréquents de formation, Ed Wynne demeure le pilier central du groupe. En 2012, un incendie détruit sa maison dans le Colorado, emportant avec lui des enregistrements précieux. Cette épreuve n’entame pas la détermination du groupe, qui continue à produire de la musique et à se produire sur scène. En 2018, Ed Wynne sort son premier album solo, « Shimmer into Nature », explorant de nouvelles dimensions sonores tout en restant fidèle à l’esprit d’Ozric Tentacles.

Quelques albums déterminants

    • « Pungent Effulgent » (1989) : Premier album officiel, marquant le début de leur reconnaissance.

    • « Jurassic Shift » (1993) : Succès commercial, consolidant leur place sur la scène musicale britannique.

    • « Space for the Earth » (2020) : Album enregistré dans un studio au bord de l’eau, inspiré par la nature et offrant une expérience auditive immersive.

Ozric Tentacles - Lotus Unfolding

Ozric Tentacles aujourd’hui

En 2020, Ozric Tentacles publie Space for the Earth, un album inspiré par la nature et l’isolement, enregistré dans un cadre paisible. En 2023, ils reviennent avec Lotus Unfolding, un opus aux sonorités aériennes et aux influences world, marquant une nouvelle étape dans leur exploration musicale. Toujours en tournée, le groupe continue d’innover avec un son unique mêlant rock progressif, électronique et psychédélisme.

Conclusion

Ozric Tentacles demeure une figure incontournable du rock psychédélique, continuant à innover et à enchanter les auditeurs avec leur fusion unique de styles musicaux. Leur parcours témoigne d’une créativité inépuisable et d’une passion indéfectible pour l’exploration sonore.

Membres actuels d’Ozric Tentacles

Ed Wynne : Guitare, claviers
Silas Wynne : Claviers
Brandi Wynne : Basse
Tim Wallander : Batterie

Anciens membres notables

Roly Wynne : Basse
Joie Hinton : Claviers
Merv Pepler : Batterie
Nick « Tig » Van Gelder : Batterie

Discographie de Ozric Tentacles

Premiers albums en cassette

1985 – Erpsongs
1985 – Tantric Obstacles
1986 – Live Ethereal Cereal
1986 – There Is Nothing
1988 – Sliding Gliding Worlds
1989 – The Bits Between the Bits

Ces six albums auto-produits ont d’abord été diffusés en cassette audio avant la transition du groupe vers le format CD. En 1993, ils ont été regroupés dans le coffret Vitamin Enhanced, réédité en différentes versions au fil des ans, notamment en double CD, vinyle remasterisé et en 2021 avec un livre illustré de 48 pages.

Albums studio

1989 – Pungent Effulgent
1990 – Erpland
1991 – Strangeitude
1993 – Jurassic Shift
1994 – Arborescence
1995 – Become the Other
1997 – Curious Corn
1999 – Waterfall Cities
2000 – The Hidden Step
2004 – Spirals in Hyperspace
2006 – The Floor’s Too Far Away
2009 – The Yumyum Tree
2011 – Paper Monkeys
2015 – Technicians of the Sacred
2020 – Space for the Earth
2021 – Space for the Earth (The Tour That Didn’t Happen Edition)
2023 – Lotus Unfolding

Albums live

1992 – Live Underslunky
1998 – Spice Doubt
2002 – Live at the Pongmaster’s Ball
2008 – Sunrise Festival
2011 – Live in Italy 2010
2011 – Live at One World Frome Festival 1997
2011 – Live in Oslo
2011 – Live at the Academy Manchester 1992
2012 – Live in Milan 2012
2013 – Live in Pordenone, Italy 2013

Compilations

1992 – Afterswish
1993 – Vitamin Enhanced
2000 – Swirly Termination
2004 – Eternal Wheel (The Best Of)
2010 – Wasps and Moths – Summer Studio Jams 1995
2011 – Dats & Reels Vol. 1
2011 – Early Daze Vol. 1
2011 – Early Daze Vol. 2
2011 – Early Daze Vol. 3
2011 – Hidden Jams 2001
2013 – Introducing Ozric Tentacles
2022 – Travelling the Great Circle
2022 – Trees of Eternity (1994-2000)

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